S'il y a bien une année qu'il faut nous souhaiter bonne, c'est bien celle où nous rentrons ! Cette année est une année de prise de conscience. Il aura fallu du temps. Il y avait pourtant la montée des eaux, mais chez les autres; la montée des périls, mais chez les autres; la montée de prix, mais chez les autres; la guerre, à la frontière des autres.

Quel rapport avec l'informatique et le logiciel libre dans les collectivités ? En vingt ans, j'ai appris une chose « Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre » disait Spinoza. Le souci de faire des économies d'argent public n'est en fait pas très répandu. Les effets de la mutualisation n'intéressent surtout que ceux dont c'est déjà le métier (je pense aux centres de gestion ou aux EPCI déjà très intégrés). Sans doute étions-nous encore trop riches. J'avais pensé vous parler pour ces vœux des trois S: Souveraineté, Sécurité, Sobriété.

Mais la souveraineté c'est surtout l'affaire de l'État. Les choses avancent. De manière rapide et exemplaire dans l'Éducation Nationale. Il y a une cellule logiciels libres à la DINUM qui permet de comprendre au plus haut niveau les conditions pour développer le marché du logiciel libre dans lequel les entreprises françaises excellent. J'y reviendrai par la suite ...

Pour ce qui est de la sécurité, disons d'un mot que l'on parle trop souvent seulement des menaces, comme pour ne jamais parler des vulnérabilités. À quoi bon se mettre une cotte de maille quand on est en slip ?

Je voudrais surtout vous parler de sobriété. Parce que cette fois nous sommes au pied du mur. Il faut faire des économies, et vite! Il faut économiser notre planète, et vite! Je forme le vœu que nous fassions des économies en restant la tête haute.

Il n'est de richesse que d'hommes. La compétence et l'engagement des agents du service public sont le patrimoine immatériel le plus précieux. Le but de nos fournisseurs et de tous les marchands n'est pas le même que le nôtre. C'est à nous de décider de l'évolution de nos systèmes d'informatique! La mutualisation de logiciels scalables libres au sein de communautés larges est une source puissante d'économie, La possibilité de les garder et de mettre en concurrence aiguisée la maintenance est un puissant vecteur de stabilité.

Cessons de remplacer le matériel quand il est amorti: attendons qu'il coûte trop cher en maintenance. Faisons durer le plus longtemps possible les machines. J'ai entendu récemment un directeur informatique se féliciter de donner beaucoup d'ordinateurs pour une seconde vie dans l'économie sociale et solidaire... parce que la nouvelle version de l'OS contraint à changer les machines (je vous laisse deviner lequel).
Misère. C'est la première vie des ordinateurs qu'il faut commencer par prolonger !

Je voudrais donner l'exemple. À la ville d'Angoulême, où nous sommes en train de déployer des ordinateurs sous Linux dans les écoles. Pour l'administration, j'ai demandé au service informatique de planifier le passage sous Linux des ordinateurs "neutres" (qui n'utilisent que de la bureautique standard et des logiciels webizés).

C'est probablement la sobriété qui sera le vecteur le plus puissant de souveraineté et de sécurité !

On en parlait plus haut, la mission logiciels libres de la Direction interministérielle du numérique pilotée par Bastien GUERRY a été créée pour assurer « l'animation et la promotion interministérielles en matière de logiciel libre et de communs numériques »  : au quotidien, elle accompagne les ministères à utiliser plus de logiciels libres et à publier plus de codes sources, et elle anime la communauté BlueHats, les développeurs libristes du secteur public.

Économiquement parlant, la mutualisation des ressources permet à l’argent public d’être utilisé avec parcimonie. Et on constate que l’animation de cette communauté soutenant la cause des logiciels libres génère un certain business.

Nous prendrons comme exemple le projet Démarches Simplifiées pour créer des démarches en ligne. L’ADULLACT et l’Agence régionale du numérique et de l’intelligence artificielle (ARNia) auraient déboursé plus de 200 000 € pour financer une partie du projet. Le développement du projet Départements&Notaires, service initié par le département du Rhône et visant à faciliter la gestion des actes notariaux, aurait occasionné plus de 300 000 € d’investissement par le Rhône et l’ADULLACT. Sans compter l’engagement des collectivités utilisatrices auprès de prestataires spécialisés et tous localisés en France.

Deux exemples concrets, mais généralisables avec la plupart des logiciels libres présents sur notre Forge, soit plus de 1 000 projets en 20 ans d’activité.
Et toute cette activité ne se serait certainement pas autant développée, sans l’animation que réalise la mission logiciels libres de la DINUM au niveau national. Cette action participe à la crédibilité du logiciel libre dans l’esprit des décideurs des collectivités qui investissent dans ces projets.

Outre l’aspect économique, la communauté française des logiciels libres s’est également faite remarquer par la Commission Européenne notamment de par son attractivité, mais aussi pour sa belle avancée.

Bonne année donc !

François ELIE, Président de l'ADULLACT