La directive européenne sur la réforme du droit d'auteur a été approuvée par le parlement européen, avec les articles 11 et 13 bien inclus, par 348 voix favorables, 274 voix contre et 36 abstentions.
Pour ce qui concerne le développement des logiciels, qui a été sérieusement mis en danger par ce texte, j'ai la maigre satisfaction de constater qu’un an et demi d'un travail acharné et épuisant d'explications et de mobilisations, au niveau national et européen, auxquelles j'ai activement contribué en première personne, ont abouti à une exclusion (Art. 2(6)) pour les
"open source developing and sharing platforms"
Cela devrait sortir l'ensemble des plateformes utilisées dans le monde du logiciel du champ d'application de la réforme ; pas seulement les "developing platforms" comme GitHub / Gitlab, qui ont mobilisé des forces pour se faire entendre, mais aussi les "sharing platforms" qui incluent toute une galaxie composée de repositories comme CRAN ou Maven, distributions comme Debian et archives comme Software Heritage, dont je me suis retrouvé à devoir porter la parole à tous les niveaux.
Je tiens à remercier ceux d'entre vous qui m'ont accompagné dans cet effort, et en particulier les cosignataires de la tribune qui était parue dans Le Monde en mai 2018 (http://www.dicosmo.org/share/2018-05-23-TribuneLeMonde.pdf), et je vous invite tous à continuer le travail de sensibilisation des décideurs sur les spécificités du logiciel et son importance dans nos sociétés modernes : dans quelque temps il faudra transcrire en droit national cette directive, et il faudra utiliser toutes nos énergies pour veiller à ce que l'exclusion obtenue dans l'Article 2(6) ne disparaisse pas dans les débats parlementaires. Il faut oeuvrer pour que les grands acteurs industriels français soient conscients des enjeux, et actifs dans ce dossier, dont ils ont jusqu’ici largement sous-estimé la portée.
Je ne vais pas cacher ma tristesse de voir l'article 13 en particulier approuvé dans une forme assez extrême, et de savoir que ce résultat est presque entièrement dû a un lobbying français qui, en croyant protéger la création, a paradoxalement offert sur un plateau d'argent un renforcement inespéré et durable de leur monopole à ces mêmes plateformes non européennes qu'il croit combattre, tout en mettant sérieusement en danger nos libertés numériques au passage.
Force est de constater, et tirant le bilan de cette année et demie, que les rédacteurs de ce texte et les lobbyistes qui l'ont instigué et soutenu ne s’étaient même pas rendus compte que, le logiciel étant bien régi lui aussi par le droit d'auteur, cette directive allait impacter lourdement un domaine qui ne les intéressait même pas. S'ils avaient exclu le logiciel dès le départ du champ d’application de cette réforme, on aurait pu utiliser notre temps à des fins bien plus utiles. Tout cela ne fait que montrer l'urgence d’éduquer largement sur l'importance du logiciel : on l'a trop longtemps oublié, ce n'est pas un simple outil.
A ce propos, j'attire votre attention sur l'Appel de Paris sur le code source des logiciels qui résulte d'un intense travail avec des dizaines de personnalités internationales : il est maintenant disponible publiquement ici, et peut servir de base pour sensibiliser nos interlocuteurs.
https://fr.unesco.org/foss/paris-call-software-source-code
Roberto Di Cosmo, Professeur d’Informatique, Directeur du projet Software Heritage