Nicolas Vivant est directeur du système d’information à la mairie de Fontaine, en Isère. Depuis quelques années, il s’attelle à la migration du parc informatique vers des solutions logicielles open source et libres.
Des logiciels libres d’abord, puis des distributions GNU/Linux entières, ont débarqué sur les ordinateurs des employés de la mairie et des écoles. Comment s’est réalisée cette migration ? Quels retours des usagers ? Quels avantages ? Nicolas a accepté de répondre aux questions de la commission Partage 2.0
Bonjour Nicolas, peux-tu d’abord nous présenter rapidement ta ville, combien y a-t-il d’employés dans la mairie et de postes informatiques ?
Fontaine est une ville d’un peu plus de 22 000 habitants. La mairie emploie 600 personnes et le parc de PC est également de 600 postes environ (dont 250 dans les écoles maternelles et élémentaires), répartis sur une quarantaine de sites.
Quel est ton rôle ?
Je suis directeur des systèmes d’information. Sept agents travaillent au service informatique. Le service gère l’informatique de la ville (postes clients, serveurs, logiciels et réseau), la téléphonie (fixe et mobile) et la vidéosurveillance.
Comment est venue l’idée de remplacer le système d’exploitation existant par une solution open source ? Était-ce une volonté politique au départ ou plutôt une solution envisagée à cause de soucis techniques ?
La mise en place du logiciel libre est une décision ancienne. Elle remonte à 2001. C’est un choix politique porté depuis par les majorités successives. Les valeurs de l’open source et du libre rejoignent dans une large mesure celles du service public communal : travail communautaire, service de l’intérêt général, transparence et juste prix. L’intérêt économique, avéré à Fontaine, est venu comme un bénéfice secondaire de ce choix.
Les « décideurs » ont-ils été difficiles à convaincre, quelles étaient leurs inquiétudes à l’idée de changer d’environnement de travail ? Et quels arguments les ont convaincus ?
Dans une commune, il y a deux types de décideurs : les élus et la direction générale. Le libre étant un choix politique, l’adhésion des élus était évidente puisqu’ils étaient moteurs. Pour ce qui concerne l’administration, et pour répondre à l’inquiétude légitime d’un certain nombre d’utilisateurs (décideurs ou non), une stratégie de migration « douce » a été mise en place. C’est par l’expérimentation et la démonstration que nous avons choisi d’agir, plutôt que par l’argumentation.
Dans un premier temps (avant 2009), le choix de logiciels d’infrastructures (messagerie, serveur de fichiers, annuaire informatique, etc.) libres a été fait. Ce changement a été transparent pour les utilisateurs, mais il a permis d’asseoir les bases du changement.
Dans une deuxième séquence (2008 à 2012), les logiciels tournant sur nos PC sous Windows ont été migrés sur du libre (Thunderbird pour les mails, Firefox pour le Web et OpenOffice pour la suite bureautique). Le plus difficile a été de changer de suite bureautique. Une formation spécifique de deux jours a été mise en place. Plutôt que de former nos utilisateurs à l’utilisation de la bureautique (dont ils connaissaient, pour la plupart, les bases), le choix a été fait de les aider à migrer leurs connaissances et leurs données. Sur les deux jours de formation, un jour et demi ont donc été consacré à « Comment faire sur OpenOffice ce que je sais faire sur MS Office ?» puis une demi-journée à la migration effective des documents utilisés au quotidien, avec l’aide du formateur. Cette formation était proposée à l’ensemble des employés qui souhaitaient s’y inscrire. Quand le cycle de formation a été terminé, nous n’avons pas systématiquement désinstallé Microsoft Office. Nous avons simplement cessé de livrer dans les services des PC comprenant la suite de Microsoft. Ainsi, au fil du temps, la suite propriétaire a disparu de notre parc. Il reste quelques exceptions, dues à des incompatibilités d’OpenOffice avec des logiciels « métier », mais elles représentent moins de 5% de notre parc.
La dernière étape de la migration vers le logiciel libre, toujours en cours, concerne le système d’exploitation. Notre parc est essentiellement composé de machines sous Windows Seven. La stratégie de migration comprend plusieurs phases et nous avons choisi de prêcher par l’exemple plutôt que d’utiliser une approche contraignante :
Nous sommes désormais dans la quatrième phase, qui est une phase d’incitation : nous proposons systématiquement Linux pour les postes neufs en déploiement. Si l’utilisateur refuse, Windows est conservé. Parallèlement, l’adjoint à l’éducation nous a demandé d’entamer la migration sous Linux des 250 PC des écoles maternelles et primaires. Sur les 17 écoles de la commune, plusieurs se sont portées volontaires pour un test. En décembre 2015, nous avons entamé le processus de migration d’une école pilote. La migration de toutes les écoles devrait prendre trois ans.
Si tout se passe selon les prévisions, 70% de notre parc informatique devrait utiliser Linux en 2018.
Y a-t-il eu «d’amicales pressions» d’éditeurs de logiciels propriétaires pour tenter de freiner cette démarche (si oui, avec quel discours) ?
Aucune, au contraire. Les éditeurs essaient de prendre en compte l’utilisation de PC sous GNU/Linux pour que tout se passe bien. L’augmentation significative de logiciels tournant sur des navigateurs Web facilite grandement la migration.
Et les usagers de ces postes de travail, étaient-ils motivés ou plutôt dubitatifs ?
Aujourd’hui, aucun utilisateur n’a été contraint. Il n’y a donc pas de résistance forte. Certains, dubitatifs, ont été séduits par les avantages apportés par GNU/Linux (stabilité, rapidité) et qu’ils ont pu observer chez leurs collègues. D’autres ne sont pas convaincus et ont choisi de rester sous Windows. Nous respectons ce choix.
Quelle distribution Linux a été choisie, s’agit-il d’une version ad-hoc, modifiée pour mieux convenir à vos besoins ?
Nous nous sommes basés sur Ubuntu 14.04 LTS. Des modifications importantes ont été nécessaires pour une intégration parfaite dans notre informatique existante. Comme sous Windows, un profil est automatiquement créé lorsqu’un utilisateur se connecte avec ses identifiants habituels (LDAP) et ses disques réseau partagés sont montés automatiquement. Nous avons également ajouté un « dock » (Cairo-Dock) pour faciliter la navigation sur l’interface et disposer d’un « bouton démarrer ». Nous évaluons actuellement une nouvelle interface basée sur ElementaryOS (cette distribution étant elle-même fondée sur une Ubuntu 14.04 LTS), encore plus simple et plus rapide. Les résultats sont prometteurs et elle devrait devenir en 2016 notre interface de référence.
Avez-vous procédé à des recrutements pour gérer ce nouveau parc logiciel, ou bien avez-vous formé des personnes en interne ?
Nous n’avons pas procédé à des recrutements spécifiques. Certains agents du service informatique disposaient déjà des connaissances nécessaires. Les autres ont été formés en interne. Notre interface est simple d’utilisation, et une formation basique permet donc d’atteindre rapidement le niveau de service attendu par nos utilisateurs.
Lire l'article en intégralité : L'expérience du logiciel libre à la mairie de Fontaine (via numerique.eelv.fr)
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