Depuis bientôt 20 ans, l'association ADULLACT oeuvre sur le terrain en faveur des logiciels libres métier dans les services publics. Si le logiciel libre apparait aujourd'hui comme une solution fiable, éprouvée et même encouragée, il semble essentiel de revenir sur ce qui fait toute la puissance du logiciel libre : la mutualisation.
On dénombre environ 200 à 250 métiers différents dans les collectivités territoriales : administration générale, finances, éducation, social, urbanisme, culture, etc. On estime qu'environ la moitié de ces métiers sont couverts par des logiciels libres. Les solutions existent donc, et elles sont de plus en plus valorisées, grâce aux actions des associations, des entreprises du numérique libre (et notamment du CNLL) et des événements comme les Journées du Libre ou Open Source Experience (ex Open Source Summit).
Le logiciel libre n'est plus une lubie réservée à quelques initiés, c'est un modèle qui fonctionne et qui innove, comme on a pu le constater ces derniers mois face à la crise sanitaire. La DINUM, depuis plusieurs années, multiplie d'ailleurs les initiatives en faveur du libre comme le Socle Interministériel du Logiciel Libre ou le lancement de la communauté Blue hats, hackers d’intérêt général.
Le modèle ouvert, de part son mode de fonctionnement, favorise les échanges et la collaboration. Car la particularité du logiciel libre est d'avoir un code "ouvert", c'est à dire à la fois consultable, modifiable et reproductible, selon les termes de la licence utilisée (ex: GNU GPL ou CeCILL pour les plus connues).
La clef de voûte du libre, c'est donc le collectif. Plus de personnes travailleront ensemble sur le projet, plus le logiciel gagnera en efficacité et sécurité. Lorsqu'on intègre cela, on comprend vite pourquoi on ne peut pas évoquer les logiciels libres sans parler de leur communauté (bénévole ou non).
Le développement ouvert et collaboratif représente un véritable levier pour l'innovation. Et de nombreuses collectivités l'ont déjà adopté, faisant parfois du logiciel libre le fer de lance de leur stratégie numérique.
Dans la sphère publique, il est recommandé aux collectivités territoriales d'acheter ensemble. En effet, si les villes ont les mêmes besoins, il semble cohérent qu'elles mettent leurs besoins en commun pour acheter, ensemble, une solution qui convienne à toutes. Dans le Libre, on ne parle bien sûr pas d'achat de licence, mais de contrats pour des services associés : installation, hébergement, maintenance, etc. La pratique est courante ; c'est la mutualisation en aval.
Depuis toujours, à l'ADULLACT, nous défendons une vision plus ambitieuse : la mutualisation en amont ! Il s'agit de promouvoir une pratique simple : la mise en commun des besoins dès la conception du projet.
Les logiciels libres ne doivent pas être pilotés par l'offre (comme dans le cas des logiciels propriétaires) mais par la demande : ce sont les collectivités qui décident et fabriquent ce dont elles ont besoin.
Prenons l'exemple du projet "Départements et notaires". En 2016, le département du Rhône décide de dématérialiser l'interrogation du registre social départemental, une obligation légale pour les notaires en cas de décès d'une personne bénéficiant de prestations sociales. Le service informatique développe donc une première version d'un logiciel dédié, et décide de partager son code source. L'ADULLACT est alors chargée de trouver des départements intéressés, d'animer un Groupe de Travail Collaboratif et d'aider à trouver une entreprise prestataire pour prendre en charge la suite des évolutions. Aujourd'hui, le projet réunit environ 25 départements, et est régulièrement cité comme exemple par la communauté.
Ce projet est un exemple de mutualisation réussie. Encourageons les collectivités à se réunir autour d'une table pour partager leurs besoins, et ainsi créer des solutions réellement adaptées et librement partageables ! La mutualisation en amont est une chance pour l'innovation, et permet d'enrichir le patrimoine immatériel commun.
Enfin, dans un contexte de crise sanitaire et économique mondiale, la mutualisation représente également un engagement fort pour préserver les finances publiques déjà mises à mal. Pour reprendre la doctrine de notre Président François ELIE, l'argent public ne doit payer qu'une fois !
Nous espérons aujourd'hui que la circulaire Castex du 27 avril 2021, qui entérine la création d'une mission "dédiée à l'animation et la promotion interministérielles en matière de logiciel libre et de communs numériques" sous l'égide de la DINUM, saura donner une nouvelle envergure aux ambitions publiques en matière de logiciel libre.
Le Libre est une chance pour les services publics, et nous avons tout à gagner à promouvoir, développer, mutualiser et préserver un patrimoine de logiciels libres utiles aux missions de service public.